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La vente de fonds de commerce : une opération sans véritable régime juridique autonome

Affaires - Affaires, Sociétés, Commercial
23/09/2025

La question du régime de la cession de fonds de commerce reste centrale en pratique. Un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 19 octobre 2022 (n° 20-16.169) rappelle que la vente d’un fonds n’entraîne pas automatiquement le transfert de tous les éléments qui le composent.

Portée de la décision

Dans l’affaire en cause, il s’agissait d’un contrat de distribution. La Cour précise que, hors exceptions légales, les contrats ne sont pas transmis de plein droit lors d’une cession de fonds. Ne sont transférés automatiquement que :

  • le droit au bail ;
  • les contrats de travail (art. L.1224-1 C. trav.) ;
  • les contrats d’assurance de biens (art. L.121-10 C. assur.) ;
  • en matière d’édition, les contrats visés par l’art. L.132-16 CPI.

En dehors de ces hypothèses, seuls les éléments expressément énoncés dans l’acte de cession sont transmis.

Liberté contractuelle et composition du fonds

Le fonds est une universalité de fait, composée d’éléments corporels (matériel, marchandises) et incorporels (clientèle, enseigne, marques, nom commercial, etc.). La Cour retient une approche claire : la vente ne vaut que pour les éléments désignés. Même lorsqu’un contrat est essentiel à l’exploitation, son omission empêche son transfert. Cette lecture, fidèle à la liberté contractuelle, est simple mais exigeante : un oubli peut rendre l’opération partiellement inefficace pour l’acquéreur.

Respect des régimes propres à chaque élément

Sauf texte spécifique, la cession du fonds n’affranchit pas des conditions de transfert propres à chaque actif. Pour un contrat de distribution, il faut appliquer l’article 1216 du Code civil, impliquant un accord du cédé en plus de celui du cédant et du cessionnaire. Quelques dérogations existent : par exemple, en bail commercial, les clauses interdisant la cession avec le fonds sont réputées non écrites (art. L.145-16 C. com.).

Lorsque l’activité repose sur une multiplicité de contrats (mandats de gestion, contrats de leasing, accords clients, etc.), la cession peut devenir difficile sans le consentement des cocontractants. La pratique des commerces « classiques », où le bail est l’élément central, masque parfois cette complexité.

Prévention et perspectives

Il est recommandé de sécuriser contractuellement les actifs stratégiques : prévoir des clauses de cession avec consentement préalable (arts. 1216 et 1216-1 C. civ.) facilite une transmission ultérieure. Par ailleurs, le régime de l’entreprise individuelle (art. L.526-27 C. com.) offre une piste pour les personnes physiques, en permettant un transfert global d’activité. Cette évolution laisse toutefois entière la problématique pour les sociétés.

En définitive, il n’existe pas de régime autonome de la « vente de fonds de commerce ». L’opération agrège des transferts distincts, gouvernés par la volonté des parties et par les règles spécifiques à chaque élément. La vigilance rédactionnelle et l’anticipation contractuelle demeurent essentielles.